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Δευτέρα 7 Ιανουαρίου 2019

LA RECONNAISSANCE DE L’EGLISE DE KIEV PAR CONSTANTINOPLE EST UNE DECISION SAGE


Antoine Arjakovsky, la-croix.com
L’Église chrétienne orthodoxe, depuis qu’elle a cessé de reconnaître le primat de l’Église de Rome, considère le patriarche de Constantinople comme le « premier parmi les égaux » des 14 Églises se reconnaissant mutuellement comme orthodoxes.

Cette primauté du Patriarcat de Constantinople, définie comme « œcuménique » depuis au moins le Ve siècle après Jésus-Christ, a été contestée par l’Église de Moscovie dès le milieu du XVe siècle lorsque la ville impériale dut se soumettre à l’envahisseur turc. Le patriarche de Constantinople, opprimé par les Turcs Ottomans, dut se résoudre à la fin du XVIe siècle à reconnaître à l’Église de Moscou le statut d’autocéphalie, c’est-à-dire la capacité à élire son propre primat sans demander son autorisation, au 5e rang honorifique parmi les Églises d’Orient.
Mais il refusa d’accepter que l’autorité juridictionnelle du Patriarcat de Moscou s’étende à l’Ukraine. En effet l’Église de Kiev, qui reçut le baptême en 988 à la suite de l’effort missionnaire de l’Église byzantine, a toujours été reconnue, même après la conquête de l’Ukraine orientale par les tsars à la fin du XVIIe siècle, comme relevant de jure de l’autorité de l’Église de Constantinople.
C’est la raison pour laquelle le patriarche de Constantinople a accordé le statut d’autocéphalie à l’Église polonaise en 1924. Or cette Église comprenait en son sein de nombreuses paroisses orthodoxes situées dans l’actuelle Ukraine occidentale. En 1994, selon la même logique, le patriarche Bartholomée de Constantinople, a intégré dans sa juridiction l’Église orthodoxe ukrainienne aux États-Unis et au Canada qui s’était proclamée autocéphale au moment des persécutions soviétiques.
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Le tomos d’autocéphalie vraisemblablement bientôt accordé

Aujourd’hui le patriarche Bartholomée, dont le siège est à Istanbul mais qui continue à se dire de Constantinople en raison de la légitimité historique de sa chaire, accomplit un pas de plus. Selon toute vraisemblance le saint synode du Patriarcat de Constantinople va accorder le tomos d’autocéphalie à l’Église du Patriarcat de Kiev.
Cette Église, conduite depuis 1992 par le patriarche Philarète (Denyssenko), n’était jusqu’à présent reconnue par aucune Église orthodoxe dans le monde car Moscou s’y opposait catégoriquement. En effet depuis 1688 le Patriarcat de Moscou a créé une Église orthodoxe ukrainienne relevant directement de sa juridiction.
Cependant, après l’indépendance de l’Ukraine en 1991, la grande majorité des orthodoxes ukrainiens ont fait le choix de suivre cette Église auto-proclamée (soit environ 15 millions de fidèles contre 10 millions appartenant à l’Église orthodoxe ukrainienne relevant de Moscou, cette dernière comptant cependant plus de paroisses enregistrées), à la fois pour s’éloigner de l’emprise de Moscou et pour prier en langue ukrainienne (et non pas en vieux slavon, la langue liturgique utilisée par le Patriarcat de Moscou en Russie et en Ukraine).

Rétablissement de la vérité historique

La décision du patriarche Bartholomée est sage pour 3 raisons principales. D’une part, contre le discours mythologique propagé en Russie, le patriarche byzantin rétablit la vérité historique en rappelant que l’Église de Moscou, qui ne date que de 1588, est fille du siège de Kiev et non pas l’inverse.
Ceci a bien entendu des conséquences politiques. En effet si Moscou a reçu son baptême depuis la conversion du prince Volodimir à Chersonnèse en Crimée en 988, cet événement a été médiatisé par l’Église de Kiev. L’annexion de la Crimée par la Russie, contre laquelle le patriarche Kirill n’a pas protesté, correspond en fait à la suppression de l’identité de l’Église de Kiev, ce que ne peut accepter le patriarche de Constantinople.
D’autre part ce dernier accorde à l’Église orthodoxe de Kiev une reconnaissance de maturité que celle-ci attend depuis au moins un siècle. Or, malgré la marginalisation dont elle a fait l’objet, cette Église a maintenu une vie ecclésiale très dynamique. En particulier celle-ci est en dialogue constant avec les Églises catholiques et protestantes en Ukraine. Tandis que le Patriarcat de Moscou en Ukraine, notamment à la laure de Potchaiev en Volhynie, est réputé pour son attitude très intransigeante à l’égard des « hérétiques occidentaux ».
Enfin Constantinople, après l’affront de la non-venue de l’Église russe au concile panorthodoxe de Kolymbari en 2016, réaffirme son leadership vis-à-vis de Moscou en lui rappelant que jusqu’à présent c’est toujours Constantinople qui a accordé le statut d’autocéphalie aux Églises locales (comme pour l’Église de Serbie ou de Roumanie).

Une rupture probable de communion entre Moscou et Constantinople

Il paraît évident, au vu des déclarations du métropolite russe Hilarion (Alfeyev), mais aussi de la forte activité du Kremlin sur ce front (qui a conduit à l’expulsion récente de 2 diplomates russes par la Grèce et à une rencontre entre le président Poutine et le patriarche Kirill le 11 juillet en plein mondial de football) que cette décision va provoquer une rupture de communion entre Moscou et Constantinople.
Elle va également conduire chaque Église orthodoxe (mais aussi catholique, protestante et anglicane) à devoir choisir son camp. Il y a toutes les chances pour que la décision de Constantinople soit reçue favorablement par la plupart d’entre elles. Il est certain aussi qu’en Ukraine cette décision va conduire de nombreux fidèles orthodoxes, autrefois réticents à appartenir à une Église non canonique, à se tourner vers le Patriarcat de Kiev.
Nul doute également que le président Porochenko, qui s’est fortement investi dans cette affaire, entraînant avec lui la grande majorité des députés de la Rada, va bénéficier d’un gain important de popularité. Mais pour soigner ce schisme, nouvelle blessure dans les relations entre la Russie et le reste du monde, il faudra passer d’une logique étroitement politique et confessionnelle à une vision œcuménique et tournée vers le bien commun.
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Sa Béatitude Sviatoslav Shevchuk, archevèque majeur de Kiev et de Galicie, primat de l'Église grecque catholique ukrainienne, célébrant l'eucharistie lors de la messe célébrée à l'occasion du 150e anniversaire de la canonisation de saint Josaphat en la basilique Saint Pierre au Vatican, le 25 juin 2017. / M.Migliorato / CIRIC