Discours de sa Toute-Sainteté le Patriarche œcuménique Bartholomée
AU CONSEIL ŒCUMÉNIQUE DES ÉGLISES
AU CONSEIL ŒCUMÉNIQUE DES ÉGLISES
Photos: Nikos Kosmidis /WCC and Albin Hillert /WCC
24 April 2017
Pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises,24 April 2017
Vos Éminences, Vos Excellences,
Honorables représentantes d’institutions internationales,
Mesdames et Messieurs,
«Oh! quel plaisir, quel bonheur de se trouver entre frères!»
(Psaume 133,1). C’est ce sentiment précis, exprimé par le psalmiste, qui
nous anime à notre retour au siège du Conseil œcuménique des Églises.
Chacune de nos visites en ce lieu, depuis notre élection au Trône
œcuménique il y a vingt-cinq ans, comme auparavant également, s’est
révélée spéciale, et nous chérissons ces souvenirs. Pour nous
personnellement, mais aussi pour notre Église tout entière, le Conseil
œcuménique des Églises ’est un lieu non pas étranger, mais familier. Il y
a un siècle en effet, le Patriarcat œcuménique appelait «toutes les Églises du Christ dans le monde»
à sa création, et il en a été l’un des membres fondateurs en 1948.
Depuis lors, notre Église a pris une part active au Conseil et à sa
Commission de Foi et constitution. Le Patriarcat œcuménique y maintient
depuis 1955 une délégation permanente, en signe de coopération continue
avec le Conseil œcuménique des Églises et le mouvement œcuménique. Les
représentants permanents du Patriarcat œcuménique ont été l’évêque
Iakovos de Melita (Malte) (par la suite archevêque d’Amérique du Nord et
du Sud) et le métropolite Emilianos Timiadis d’éternelle mémoire, ainsi
que le grand protopresbytre du Trône œcuménique Georges Tsetsis,
l’archimandrite Benekditos Ioannou, l’archon George Lemopoulos, ancien
secrétaire général adjoint du COE et, à l’heure actuelle, l’archevêque
Job de Telmessos.
Sur un plan plus personnel, nous avons appris depuis l’enfance, et
surtout auprès de notre prédécesseur le patriarche œcuménique
Athenagoras d’éternelle mémoire, l’importance de rencontrer d’autres
chrétiens. Ainsi qu’il aimait à le dire: «Regardons-nous en face et voyons ce que nous avons à nous dire.»
C’est lui qui nous a ouvert les yeux sur notre famille œcuménique
élargie. Sur son inspiration, nous avons décidé de suivre des études de
deuxième cycle à l’Institut œcuménique de Bossey, qui a fêté son 70e
anniversaire cette année, et nous y avons acquis une expérience
exceptionnelle, qui s’est révélée des plus utile dans notre ministère.
En 1975, nous avons assumé les fonctions de vice-président de la
Commission de Foi et constitution, à l’époque où elle préparait le
célèbre document de convergence «Baptême, Eucharistie, Ministère», qui
constitue une référence encore aujourd’hui. Quelques mois avant notre
élection au Trône œcuménique en 1991, nous sommes entrés au Comité
central et au Comité exécutif du COE pendant la 7e Assemblée générale,
qui s’est déroulée à Canberra sur le thème «Viens, Esprit Saint,
renouvelle toute la création».
1. Au moment où votre Comité central se réunissait à Trondheim en
juin dernier, l’Église orthodoxe s’est rassemblée sur la belle île de
Crète pour son saint et grand Concile. Les préparatifs du Concile ont
duré plus d’un demi-siècle. Toutes les Églises orthodoxes locales, sans
exception, y ont pris part. Et, avec la bénédiction de Dieu, nous nous
sommes réunies sur la décision unanime des primats des Églises
orthodoxes locales, adoptée ici à Chambésy lors de la synaxe de
janvier 2016. La convocation du saint et grand Concile de l’Église
orthodoxe était nécessaire pour plusieurs raisons.
En premier lieu, parce que pour nous, orthodoxes, la synodalité
constitue une expression et une démonstration du mystère de l’Église
elle-même. «Nous rassembler en un même lieu» est une
caractéristique de la nature de l’Église. Seules des circonstances
historiques insurmontables peuvent justifier l’inactivité de
l’institution synodale à un niveau quelconque, et notamment au niveau
mondial. L’Église orthodoxe a fréquemment rencontré de telles
circonstances ces dernières années, qui ont longtemps retardé la
convocation d’un Concile panorthodoxe. En ce sens, la réalisation du
saint et grand Concile a été un succès en soi.
En deuxième lieu, sa convocation était également imposée par la
nécessité de régler des questions internes à l’Église orthodoxe. Ces
questions résultaient principalement du système de structure canonique
de notre Église, qui regroupe de nombreuses Églises autocéphales
locales, chacune administrant librement ses affaires respectives par des
décisions qui lui sont propres. Cela rend parfois difficile le
témoignage de l’Église «d’un même cœur et d’une seule voix» ’dans
le monde contemporain, engendrant de la confusion et des conflits qui
brouillent l’image de son unité. Les origines du système de
l’autocéphalie remontent à l’Église primitive, sous la forme des cinq
patriarcats anciens – c’est-à-dire Rome, Constantinople, Alexandrie,
Antioche et Jérusalem – que l’on appelait la Pentarchie, et dont
l’harmonie constituait la manifestation suprême de l’unité de l’Église
exprimée par les Conciles. Bien que cette structure soit à nos yeux
canoniquement et ecclésiologiquement correcte, il subsiste un risque
qu’elle se transforme en une sorte de «fédération d’Églises»,
ainsi qu’elle est souvent perçue de l’extérieur. Dans ce cas, chacune
des Églises défend ses propres intérêts et ambitions (qui ne sont pas
toujours de nature strictement ecclésiastique) – rendant nécessaire
l’application de la synodalité. L’atrophie de l’institution synodale au
niveau panorthodoxe contribue à l’apparition d’un sentiment
d’autosuffisance au sein des différentes Églises, lequel donne lieu à
des tendances à l’introspection et à l’enfermement sur soi. C’est
pourquoi, si le système synodal est généralement de rigueur dans la vie
de l’Église, l’autocéphalie le rend d’autant plus obligatoire pour la
protection et l’expression de son unité.
Une troisième raison imposait la convocation du saint et grand
Concile: les nouveaux défis qui ont vu le jour ces dernières années,
face auxquels il fallait formuler une orientation et une position
communes aux Églises orthodoxes. Par exemple, le phénomène de
l’émigration des régions orthodoxes vers les pays occidentaux a abouti à
la création de ce que l’on appelle la «diaspora» orthodoxe, qui
nécessite un accompagnement pastoral particulier. Cela a engendré une
situation qui, bien que répandue, n’est pas strictement canonique, dans
laquelle il existe plusieurs évêques pour une même ville ou région,
situation que de nombreuses personnes à l’intérieur et à l’extérieur de
l’Église orthodoxe jugent scandaleuse. Ce problème n’aurait pas pu être
résolu sans une décision conciliaire du Concile panorthodoxe.
Enfin, la participation orthodoxe aux efforts de réconciliation et d’unité des chrétiens au sein de ce que l’on appelle le «Mouvement œcuménique»,
qui reposait jusqu’à présent sur des décisions prises soit
individuellement par les Églises autocéphales soit dans le cadre de
conférences panorthodoxes, devait être ratifiée par la voie conciliaire,
qui est la méthode authentique pour formuler une position uniforme de
l’Église orthodoxe.
Nous, les orthodoxes, sommes fermement convaincus que le mouvement
œcuménique et le Conseil œcuménique des Églises ont pour but et pour
raison d’être l’accomplissement de la dernière prière du Seigneur, «que tous soient un»
(Jn 17,21), qui est inscrite sur la belle tapisserie qui orne le mur de
ce hall. C’est pour cela que le saint et grand Concile a insisté sur le
fait que «la participation orthodoxe au mouvement pour le
rétablissement de l’unité avec les autres chrétiens dans l’Église une,
sainte, catholique et apostolique ne va aucunement à l’encontre de la
nature et de l’histoire de l’Église orthodoxe, mais constitue
l’expression conséquente de la foi et tradition apostolique dans des
conditions historiques nouvelles» (Relations, 4). Le saint et grand Concile a également reconnu qu’«un des principaux organes du mouvement œcuménique contemporain est le Conseil œcuménique des Églises» (Relations, 16). Parmi les différentes activités de ce dernier, le saint et grand Concile a affirmé que «l’Église
orthodoxe souhaite renforcer le travail de la commission “Foi et
Constitution” et suit avec un vif intérêt l’apport théologique que
celle-ci a réalisé à ce jour. Elle évalue positivement les textes
théologiques publiés par celle-ci, avec l’appréciable contribution de
théologiens orthodoxes, ce qui représente une étape importante dans le
mouvement œcuménique vers le rapprochement des Églises» (Relations,
21). Cette évaluation conciliaire de la contribution du COE à la
recherche de l’unité chrétienne, que nous trouvons très positive,
devrait à nos yeux servir d’inspiration pour la poursuite des travaux du
COE à l’approche de ses 70 ans d’existence.
Par ailleurs, l’Église orthodoxe a réitéré par la voix synodale de son saint et grand Concile qu’elle «accorde une grande importance au dialogue, notamment avec les chrétiens hétérodoxes» (Encyclique, 20), raison pour laquelle elle «juge
condamnable toute tentative de rompre l’unité de l’Église, de la part
de personnes ou de groupes, sous prétexte d’une présumée défense de la
pureté de l’Orthodoxie» (Relations, 22).
2. L’esprit de dialogue entretenu par l’Église orthodoxe ne se limite
pas au seul mouvement œcuménique; il est également nécessaire à l’égard
de la société contemporaine et des sciences. Comme l’a souligné le
saint et grand Concile dans son encyclique, «le développement actuel des sciences et de la technologie est en train de changer notre vie», nous confrontant à des risques tels que «la
manipulation de la liberté humaine, l’instrumentalisation de l’être
humain, la perte graduelle de précieuses traditions, la dégradation,
voire la destruction de l’environnement naturel» (Encyclique, 11).
Le Patriarcat œcuménique a fait acte de pionnier en entamant le
dialogue avec les sciences modernes à propos des problèmes écologiques.
En 1989, notre prédécesseur le patriarche œcuménique Dimitrios avait
envoyé la première encyclique à ce sujet, proclamant le 1er
septembre journée de prière pour la protection de l’environnement
naturel. Nous sommes heureux que le COE ait suivi nos traces, non
seulement en instaurant cette journée annuelle de prière, mais également
en prenant au sérieux l’engagement des Églises à résoudre la crise
écologique. À nous, orthodoxes, le saint et grand Concile a rappelé que «les racines de la crise écologique sont spirituelles et morales. Elles sont inscrites dans le cœur de chaque être humain» (Encyclique, 14).
À diverses reprises, nous avons insisté sur le fait qu’un péché
contre la création était un péché contre Dieu. Et, comme pour tout
péché, nous devons aussi nous repentir du péché commis à l’encontre de
la création. Le saint et grand Concile a souligné que «pour résoudre
le problème écologique sur la base des principes de la tradition
chrétienne, il faut non seulement faire pénitence pour le péché
d’exploiter à outrance les ressources naturelles de la planète,
c’est-à-dire changer radicalement de mentalité, mais aussi pratiquer
l’ascèse comme antidote au consumérisme, au culte des besoins et au
sentiment de possession» (Encyclique, 14). La véritable pénitence
implique une conversion, c’est-à-dire un changement radical de
comportement. La crise écologique exige des mesures concrètes de la part
de chacun et chacune d’entre nous.
À plusieurs reprises, nous avons souligné que l’Église ne pouvait pas
s’intéresser uniquement au salut de l’âme, mais qu’elle était
profondément préoccupée par la transformation de toute la création de
Dieu. C’est pourquoi nos Églises doivent faire preuve d’une vigilance
constante, s’informer et se former sans cesse pour bien comprendre la
relation entre la crise écologique contemporaine et nos passions
humaines, la cupidité, le matérialisme, l’égocentrisme et la voracité,
qui engendrent la crise à laquelle nous sommes confrontés actuellement.
Par conséquent, ce qui fait peser une menace sur la nature constitue
également une menace pour l’humanité, tout comme ce qui contribue à
préserver la planète contribue au salut du monde entier. À ce titre,
nous invitons chaque personne à mobiliser ses ressources, et en
particulier ses prières, pour lutter pour la protection de
l’environnement.
Entre autres problèmes écologiques, l’eau revêt une grande
importance, parce qu’elle est aussi vivifiante et sacrée que le sang qui
coule dans nos veines. L’eau fait partie des biens communs. Elle
n’appartient à aucun individu, aucune industrie. Elle est un droit
inviolable et non négociable de chaque être humain. Par conséquent, nous
ne pouvons pas juger éthique que l’eau fasse l’objet d’une exploitation
économique, qu’elle soit vendue par des industries à des gens qui ont
de l’argent pour l’acheter. Outre son problème moral, l’industrie de
l’eau pollue souvent l’environnement avec les bouteilles en plastique
qu’elle vend. Aujourd’hui, les écologistes tirent la sonnette d’alarme:
d’ici 2050, le plastique pèsera plus lourd que les poissons dans les
océans. La pollution par le plastique est une question de justice
écologique et sociale. C’est pourquoi nous devons éviter le plastique en
privilégiant d’autres solutions au quotidien.
Malheureusement, le monde arrive à court d’eau accessible. Et ce
problème ne concerne pas uniquement les pays pauvres, comme en Afrique
ou en Inde; il s’impose également dans les pays «riches en eau» à cause
de la pollution de celle-ci. Introduire l’eau dans l’économie de marché
pour la vendre comme du pétrole ou du gaz naturel n’est pas une solution
pour résoudre cette crise. Le manque d’accès à l’eau claire et à un
système d’assainissement constitue la plus grave violation des droits de
la personne à notre époque. Nous savons qu’à l’heure actuelle près d’un
milliard de personnes sur terre n’ont pas accès à l’eau claire, et
2,5 milliards sont privées d’un système d’assainissement adapté. Si nous
ne prenons pas conscience du danger, voire du péché, de refuser de
partager les ressources naturelles de la planète, nous nous heurterons
inévitablement à de graves difficultés et à des conflits. Le
développement durable ne se résume pas à une technologie fiable et à de
bonnes affaires. Le développement durable est la voie d’une coexistence
pacifique.
À ce titre, nous félicitons le COE d’avoir rejoint la «Communauté
bleue», une initiative du Conseil des Canadiens. Le projet des
Communautés bleues appelle les collectivités à adopter un cadre commun
qui reconnaît le droit à l’eau en tant que droit de la personne, qui
interdit la vente d’eau en bouteilles dans les édifices publics et lors
d’événements municipaux et qui promeut des services d’alimentation en
eau potable et de traitement des eaux usées financés, détenus et
exploités par l’État. En rejoignant les Communautés bleues, le COE
sensibilise non seulement ses Églises membres, mais aussi la société
tout entière, au fait que la justice hydrique exige une gestion éthique
de l’eau; c’est un don de Dieu que nous devons laisser à la disposition
des générations futures.
La pollution de l’eau par le plastique, la pollution de l’air et les
changements climatiques sont des situations d’urgence parallèles
d’envergure mondiale. Elles sont la conséquence de l’oubli du caractère
sacré de la création. Elles sont le résultat désastreux de
l’industrialisation et de notre avidité humaine. Il est impossible de
résoudre la crise écologique sans une véritable conversion des actions
humaines. En ce sens, l’écologie est liée à l’économie. Une société qui
ne se préoccupe pas du bien-être de tous les êtres humains est une
société qui maltraite la création de Dieu, ce qui est un blasphème. Pour
cette raison, le défi écologique de nos Églises est d’amener le monde à
prendre conscience de la destruction irréversible de la création de
Dieu à cause des mauvaises actions humaines. La nécessité d’une
formation écologique n’est pas seulement le problème de nos États; elle
doit aussi être le problème de nos Églises.
Malheureusement, depuis la mise en œuvre du Protocole de Kyoto en
1997 dans le but de lutter contre le réchauffement climatique, les mêmes
problèmes perdurent. Les connaissances scientifiques, étayées par les
statistiques et les modèles climatiques, mais aussi les simples
observations des paysans, des agriculteurs, des populations autochtones
et des habitants des littoraux, ont confirmé que le climat évolue à
cause des activités humaines, et que cette évolution se révélera
catastrophique pour la vie sur cette planète tant que nous ne serons pas
capables de prendre les mesures qui s’imposent pour contenir les
terribles événements qui se manifestent déjà et qui nous attendent.
Le Patriarcat œcuménique est également très sensible à la question
des changements climatiques. C’est pour cette raison que nous avons
appuyé l’appel urgent lancé à Paris par la 21e session de la
Conférence des Parties des Nations Unies sur les changements climatiques
(COP21) en 2015. Ainsi que le rappelait notre message à la 22e
session, qui s’est tenue en novembre dernier à Marrakech, les
principaux dirigeants et décideurs politiques du monde se sont
fondamentalement mis d’accord sur les problèmes relatifs aux changements
climatiques mondiaux depuis le Sommet de la terre de Rio en 1992, et
ont organisé nombre de conférences et autres échanges au plus haut
niveau à propos d’un phénomène qui exige des mesures et des actions
concrètes. Or nous savons très bien quelles doivent être ces mesures et
actions. Quel est le prix du profit que nous sommes prêts à payer?
Combien de vies sommes-nous prêts à sacrifier sur l’autel du profit
matériel et financier? À quel prix sommes-nous prêts à perdre et à
mettre en danger la survie de la création de Dieu? C’est avec humilité,
mais avec l’audace de la prière, que nous souhaitons que les principaux
dirigeants et décideurs politiques de ce monde reconnaissent les enjeux
importants des changements climatiques et y répondent. Il s’agirait pour
cela que l’accord de Paris pris au cours de la COP21 soit appliqué sans
plus tarder.
3. À moins que nous ne puissions tous prendre conscience, par nos
attitudes et nos actions, comme par nos décisions, des visages de nos
propres enfants – des générations présentes et à venir –, nous
continuerons à retarder la mise en place de toute solution. Nous
persisterons dans notre opposition et résistance à son développement.
Dans notre message patriarcal à l’occasion de Noël 2016, nous avons
évoqué les menaces contemporaines pour les enfants, et proclamé 2017 «Année de protection du caractère sacré de l’enfance». Dans cette encyclique, nous avons appelé toutes les personnes de bonne volonté à «respecter l’identité et la sacralité de l’enfance», en particulier «face
à la crise mondiale des réfugiés, qui viole surtout les droits des
enfants, face au fléau de la mortalité infantile, à la famine, au
travail des enfants, aux blessures corporelles et à la violence
psychologique, mais aussi face aux risques d’altération de l’âme
enfantine en raison de leur exposition incontrôlée à l’influence des
médias électroniques de communication et de leur assujettissement au
consumérisme».
Sur ce point, nous tenons à féliciter le COE qui a inauguré cette
année un programme spécialement consacré aux «Engagements des Églises en
faveur des enfants», visant à encourager la protection des enfants dans
les communautés ecclésiales, à favoriser la participation constructive
des enfants et des jeunes dans les Églises et à aborder des questions
cruciales, notamment les problèmes écologiques, qui intéressent les
enfants. Dans cette optique, le saint et grand Concile nous rappelle que
«l’Église n’offre pas à la jeunesse seulement de “l’aide”, mais la “vérité”, celle de la vie nouvelle divino-humaine en Christ», en soulignant que «les
jeunes ne sont pas uniquement le “futur” de l’Église, mais aussi
l’expression active de sa vie au service de l’homme et de Dieu dans le
présent» (Encyclique, 8).
Nous sommes intimement convaincu que les Églises ne peuvent pas être
indifférentes aux souffrances et aux agressions d’enfants qui existent
dans le monde, en particulier envers les enfants blessés ou réfugiés.
Par conséquent, trouvons ensemble des moyens de mettre fin aux violences
faites aux enfants et aux jeunes dans notre société contemporaine.
Promouvons une meilleure participation et une meilleure intégration de
nos enfants et de nos jeunes dans le culte et dans la vie de nos
Églises. Faisons découvrir à nos enfants et à nos jeunes la
responsabilité des chrétiens dans la crise écologique, et apprenons-leur
à adopter un comportement et des gestes adaptés face à des problèmes
tels que l’eau ou les changements climatiques.
Malheureusement, les enfants et les jeunes subissent des violences
émotionnelles, sexuelles ou physiques plus souvent qu’on ne le pense, et
cela influe sur leur santé, leur bien-être et leur avenir. Ces
violences blessent les enfants, détruisent les familles et se
répercutent dans les sociétés. Pour le saint et grand Concile de
l’Église orthodoxe, «la crise contemporaine du mariage et de la
famille est issue de la crise de la liberté qui est réduite à une
réalisation du soi vouée à la poursuite du bonheur; qui est assimilée à
une fatuité, autarcie et autonomie individuelle; qui entraîne la perte
du caractère sacramentel de l’union de l’homme et de la femme; et qui
oublie l’éthos sacrificiel de l’amour» (Encyclique, 8).
Dans cet esprit, et face à une crise contemporaine aux dimensions
multiples, le Patriarcat œcuménique a organisé en partenariat avec
l’Église d’Angleterre un forum sur l’esclavage moderne, intitulé «Péchés devant nos yeux»,
qui s’est déroulé en février dernier à notre siège. Nous avons eu le
plaisir d’accueillir les représentants du COE venus y participer. Ce
forum a été inspiré par le saint et grand Concile de l’Église orthodoxe,
qui a courageusement proclamé la place centrale de la solidarité et des
actes philanthropiques dans la vie et le témoignage de l’orthodoxie,
évoquant en outre les victimes «du trafic d’êtres humains et de toute forme d’esclavage de notre époque»
(La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain, F, 1).
Comme nous l’avons remarqué alors, il est impossible pour nos Églises de
fermer les yeux sur le mal, d’être indifférentes aux cris des personnes
dans le besoin, opprimées et exploitées. La foi authentique doit
toujours être une source de combat permanent contre les puissances de
l’inhumanité.
Nous, les Églises, devons unir nos efforts pour éradiquer l’esclavage
moderne sous toutes ses formes, partout dans le monde et de manière
définitive. Il y a deux ans, nous avons signé la Déclaration des
dirigeants religieux contre l’esclavage moderne (2 décembre 2014), qui
condamne l’esclavage en tant que «crime contre l’humanité». Nous, les
Églises, devons nous engager à «faire tout ce qui est en notre pouvoir,
dans nos communautés religieuses et au-delà, pour œuvrer ensemble au
service de la liberté de toutes les personnes réduites en esclavage et
victimes de la traite des êtres humains, afin de leur redonner un
avenir». Sur le chemin de la réalisation de cet impératif catégorique,
notre adversaire n’est pas simplement l’esclavage moderne, mais aussi
l’esprit qui l’alimente, le culte du profit, le consumérisme, la
discrimination, le racisme, le sexisme et l’égocentrisme.
Face à cet esprit, nous devons tous unir nos forces pour promouvoir
une culture de solidarité, de respect d’autrui et de dialogue. En plus
de sensibiliser les consciences, nous devons participer à des
initiatives et mesures concrètes. Nous devons intensifier la
mobilisation à ce niveau d’action.
Mesdames et Messieurs,
Alors que le Conseil œcuménique des Églises poursuit son Pèlerinage de justice et de paix, invitant les Églises membres à «œuvrer
de concert pour une cause commune, renouvelant l’authentique vocation
de l’Église en se mettant, ensemble, au service de ces questions
extrêmement importantes que sont la justice et la paix, pour guérir un
monde accablé par des conflits, des injustices et des souffrances»,
nous réaffirmons, au nom du Patriarcat œcuménique, notre soutien
inconditionnel et notre détermination, convaincu que seule cette
coopération œcuménique véritablement fraternelle pourra nous apporter la
guérison et la transformation des problèmes spirituels, éthiques et
écologiques de notre Maison commune. Car c’est ainsi – au service de
notre Seigneur et Sauveur commun Jésus Christ – que nos Églises se
rapprocheront les unes des autres et découvriront l’urgence et la
nécessité que nous soyons tous un (cf. Jn 17,21). C’est pourquoi le
saint et grand Concile prie «pour que les chrétiens œuvrent en commun
afin que le jour soit proche où le Seigneur comblera l’espoir des
Églises orthodoxes: “Un seul troupeau, un seul berger” (Jn 10,16)»
(Relations, 24). Dans cette perspective, puisse Dieu, glorifié dans la
Trinité, bénir le secrétaire général, tous les collaborateurs du COE et
chacun et chacune d’entre vous, dans votre importante mission
permanente.
Nous vous remercions de votre généreuse attention.