ARCHEVEQUE JOB
DE TELMESSOS
Ils
refusent de trouver une solution raisonnable pour remédier au
schisme
Le
hiérarque souligne que le patriarcat de Moscou rejette tout dialogue
et déclare qu'il est étrange que les Ukrainiens orthodoxes ne
veuillent pas être sous la juridiction de Kiev.
MARINA
ZIOZIOU
L’archevêque
Job de Telmessos, représentant permanent du Patriarcat œcuménique
auprès du Conseil œcuménique des Églises donne son point de vue
sur la question de l'autocéphalie en Ukraine. « Celui qui
menace le Patriarcat œcuménique d’effusion de sang, de rébellion
et de guerre civile ne sert pas le bien de l'Église et de son unité,
mais encourage la division et le schisme », a déclaré le
hiérarque d'origine ukrainienne, tout en déclarant que l'octroi de
l'autocéphalie par l’Église Mère est proposé non pas comme une
« arme » pour déclarer la guerre ou diviser
l'orthodoxie, mais comme « médicament » pour guérir un
schisme qui a duré trente ans.
Les
fidèles orthodoxes sont fortement troublés par le conflit entre le
Phanar et Moscou et se demandent comment un différend sur le
fonctionnement de l’Église locale peut conduire à la rupture et
la scission au sein de l’Église orthodoxe ?
Le
Patriarcat œcuménique propose l’autocéphalie en Ukraine non pas
comme une « arme » pour déclarer la guerre ou diviser
l’Orthodoxie, mais comme « médicament » pour guérir
un schisme qui dure depuis trente ans. Après l’indépendance de
l’Ukraine en 1991, tous les évêques de l’Église orthodoxe en
Ukraine, sous la juridiction du Patriarcat de Moscou, avaient déjà
demandé l’autocéphalie au Patriarche de Moscou en 1991 et 1992
afin d’éviter la prolifération des schismes. Malheureusement, le
Patriarcat de Moscou n’a pas voulu l’accorder, ce qui n’a fait
qu’aggraver la situation. Au cours de ces trente années, le
Patriarcat de Moscou croit que pour atteindre l’unité de l’Église,
les communautés schismatiques doivent retourner sous sa juridiction.
Cette politique de retour est semblable à l’ancienne politique de
retour de l’Église de Rome qui a donné naissance à l’uniatisme.
Aujourd’hui, la réalité est qu’il y a des millions de chrétiens
orthodoxes en Ukraine qui ne veulent pas être sous la juridiction de
Moscou pour des raisons compréhensibles. Par conséquent, l’unité
de l’orthodoxie doit être sauvée en l’appliquant l’économie
canonique et par la grâce de Dieu.
De
ce qui est connu jusqu’à présent, il semble pratiquement
difficile de normaliser et de mettre en place une Église autocéphale
en Ukraine. Il existe des populations orthodoxes russophones en
Ukraine qui ne souhaitent peut-être pas appartenir à la nouvelle
église locale. Que va-t-il se passer dans ce cas ?
L’autocéphalie
transcende le l’éthnophylétisme et le régionalisme en assurant
l’unité de l’Église au sein de l’Église locale ainsi que
parmi les Églises locales. Elle n’empêche pas de répondre aux
besoins pastoraux des russophones, roumanophones, hellénophones,
anglophones ou de tout autres croyants qui vivent en Ukraine, et
permet d’être en communion avec Constantinople, Moscou et toutes
les autres Églises orthodoxes locales.
Il
ne faut pas oublier que l’Église orthodoxe est une, parce que
c’est le Corps du Christ. Par conséquent, il n’est pas possible
de diviser le corps de Christ. L’Église appartient au Christ et
non à Constantinople, à Moscou, à Kiev ou à quiconque d’autre.
Pour moi, il est un peu étrange que des orthodoxes vivant en Ukraine
ne veuillent pas être sous la juridiction de Kiev mais sous la
juridiction de Moscou...
Le
métropolite de Kiev Onuphre a refusé de rencontrer les deux
exarques du Patriarcat œcuménique et semble aller de pair avec le
Patriarcat de Moscou. S’il s’en tient à cela son poste sera
remplacé ? Comment les paroisses qui sont présentement sous sa
juridiction seront-elles transférées dans la nouvelle Eglise
autocéphale ?
Le
Patriarcat œcuménique envoyé en Ukraine deux exarques pour mener
un dialogue constructif entre les différentes entités ecclésiales
au sein de l’Orthodoxie ukrainienne profondément divisée afin de
restaurer l’unité du corps ecclésial. Nous regrettons
profondément que les hiérarques relevant du Patriarcat de Moscou
rejette totalement tout dialogue et toute rencontre avec eux. Cela
peut indiquer leur refus de trouver une solution raisonnable pour
remédier au schisme ecclésial en Ukraine. Sans aucun doute,
derrière ces agissements sont des ambitions politiques dictées non
pas à Kiev mais au Kremlin, alors qu’il y a un danger non
seulement de faire accroitre le schisme en Ukraine, mais aussi de
contribuer à la fragmentation de l’Orthodoxie. Il est donc du
devoir du Patriarcat œcuménique de veiller afin de ne pas perdre
cette unité. Nous espérons que nos frères du Patriarcat de Moscou
retrouvent rapidement la raison et entrent en dialogue avec eux, de
même qu’avec les représentants des Églises schismatiques, afin
de trouver une solution et de restaurer la canonicité ecclésiale en
Ukraine.
Nombreux
sont ceux qui affirment que le nouvel ordre des choses qui suivra
sera probablement accompagné de réactions immédiates combinées à
la guerre dans les provinces orientales de l’Ukraine. Le Patriarcat
œcuménique peut-il veiller à ce que tout se passe bien et dans le
calme ?
Il
est inacceptable de maintenir pendant plus d’une génération des
millions de chrétiens orthodoxes dans le schisme. Quiconque menace
le Patriarcat œcuménique d’effusion de sang, de rébellion et de
guerre civile ne sert pas le bien et l’unité de l’Église, mais
encourage la division et le schisme.
Le
schisme des Églises d’Orient et d’Occident est survenu
principalement pour des raisons dogmatiques. Le Patriarcat de Moscou
s’y réfère fortement concernant la question ukrainienne.
Qu’est-ce que cela signifie et cela est-il justifié?
Vous
avez raison de rappeler que la principale raison de la division entre
l’Orient et l’Occident était purement dogmatique. En raison de
l’ajout du Filioque
au symbole de la foi, les Grecs accusèrent les Latins d’avoir
introduit une nouveauté dans la foi. Ce n’est pas le cas de
l’Ukraine.
Les
gens peuvent comprendre que le schisme ecclésial en Ukraine n’est
pas dû à un problème théologique, mais un problème canonique. Il
n’est pas juste d’accuser qui qui ce soit d’hérétique et de
faire des menaces comme quoi l’octroi de l’autocéphalie créerait
un schisme encore plus grand que celui de 1054.