Le concile censé réunir en Crête,
du 19 au 27 juin, l’ensemble de la galaxie orthodoxe est compromis par
des menaces de boycott, notamment des Églises d’Antioche et de Bulgarie
En
préparation depuis plus de cinquante ans, la tenue de cette assemblée
bute toujours sur des questions d’organisation et de contenu des textes
soumis au vote des participants
BARTHOLOMEE Ier
patriarche de Constantinople tient beaucoup à la tenue de ce « saint
et grand » (sur la photo, lors de la divine liturgie orthodoxe
à l'église patriarcale Saint-Georges d'Istanbul, durant le voyage
apostolique du pape François en Turquie en novembre 2014). / Alessia
GIULIANI/CPP/CIRIC/
Le concile panorthodoxe, qui doit se
réunir en Crête du 18 au 27 juin l’ensemble des 14 Églises orthodoxes,
est-il à nouveau mis en question ? À moins de deux semaines du lancement
des travaux, deux inconnues pèsent toujours sur la tenue de cet événement historique – une première depuis le schisme de 1054 – en préparation depuis plus de cinquante ans.
L’Église
bulgare, tout d’abord, demande à ce que la tenue du concile soit
reportée en raison de problèmes d’organisation et des désaccords
persistants sur les textes soumis au vote, faute de quoi elle envisage
le boycott. Quant à l’Église d’Antioche, elle a fait savoir qu’en
l’absence de solution acceptable au conflit qui l’oppose à Jérusalem
pour la juridiction sur les orthodoxes du Qatar, elle n’enverra pas non
plus de délégation au concile. En l’absence d’une seule des Églises
autocéphales, ce dernier ne pourrait donc avoir lieu.
Depuis
vendredi 3 juin, la pression est montée d’un cran. Le synode de
l’Église orthodoxe russe – qui pèse à elle seule la moitié de
l’orthodoxie avec ses 150 millions de fidèles – presse le patriarche de
Constantinople de réunir d’urgence l’ensemble des Églises, au plus tard
le 10 juin, pour tenter de déminer le terrain.
Un ultime coup de poker ?
Confirmée
lors de la synaxe de Chambesy (Suisse) au mois de janvier, la tenue du
« saint et grand » concile doit beaucoup à la ténacité du patriarche
œcuménique de Constantinople, Bartholomée 1er. Si les cinq
questions inscrites à l’ordre du jour sont loin de résoudre les
divisions accumulées au fil des siècles, Bartholomée ne fait pas de cet
événement une fin en soi, mais le début d’un long processus
d’aggiornamento de l’orthodoxie. C’est pourquoi il a volontairement
limité les discussions sur les textes à l’ordre du jour, quitte à se
contenter dans un premier temps d’un consensus minimaliste. « L’essentiel est de parvenir enfin à se réunir pour envoyer au monde un signal d’unité », commente un proche du Patriarcat.
Mais
les Églises les plus intransigeantes (Bulgarie, Géorgie) refusent de
suivre Bartholomée dans cette voie. À ce stade, les principaux points de
désaccord concernent le mariage, les relations entre l’Église orthodoxe
et le monde contemporain et les relations avec les autres confessions
chrétiennes – le terme d’œcuménisme relevant de l’hérésie aux yeux des
plus conservateurs. Après avoir longtemps laissé planer le doute sur sa
participation au concile, Moscou avait assoupli ses positions à la suite
de la rencontre entre le patriarche Kirill et le pape François à Cuba,
en février dernier. En réclamant un ultime round de négociation, la
géante du nord semble vouloir reprendre la main sur ce processus dont
Bartholomée s’apprête à engranger le bénéfice. Un ultime coup de poker,
après mille ans d’attente…